L’évènement de ce Tartuffe, c’est d’abord la rencontre, jamais concrétisée jusqu’alors, entre deux monstres des planches. Jacques Weber incarne un Orgon vigoureux, tout en colère contenue, face à Pierre Arditi en Tartuffe narquois et pétillant, volontiers concupiscent. Ils évoluent autour de l’impressionnant décor de Ferdinand Woegerbauer : murs blancs cliniques, plateau style Art Nouveau où sont disposés des meubles de la Belle Epoque. Ils sont accompagnés par des comédiennes au diapason, Isabelle Gélinas en Elmire dangereusement séduisante et Manon Combes en pétulante Dorine.
Le vétéran Peter Stein, grand metteur allemand, s’inscrit dans les traces de ses illustres prédécesseurs (Louis Jouvet, Antoine Vittez, Ariane Mnouchkine…) en s’attaquant au monument de Molière. « En apparence, c’est une tragi-comédie, mais je dois dire que j’ai été surpris par certains traits extrêmement violents qu’elle contient. » Sans esbrouffe, il se concentre sur le texte et sa complexité psychologique. On assiste, à la chute du patriarche d’une famille bourgeoise, manipulé par un faux dévot qui lui fait perdre bientôt tout discernement. La satire, cruelle et implacable, reste toujours aussi saisissante.