Si la plupart des metteurs en scène cherchent à sauver ou à comprendre Dom Juan, ce personnage qui séduit les femmes et les abandonne une fois qu’il sait qu’elles lui sont acquises, David Bobée, prend l’homme tel qu’il se présente, c’est-à-dire sans foi ni loi. Radouan Leflahi, l’acteur qui l’incarne, le rend même maléfique. Face au monstre, les victimes retrouvent de la dignité. En parlant entre eux en mandarin et non plus en patois ridicule, les paysans Charlotte et Pierrot échappent à notre condescendance et reconquièrent notre écoute. Shade Hardy Garvey Moungondo, comédien et chanteur longiligne au jeu aussi cérébral que plastique, il sort des clowneries habituelles pour donner un vrai contrepoint à Dom Juan. Même le père de Dom Juan, en étant remplacé par sa mère dans cette version, retrouve une autorité sur ce fils monstrueux de par l’amour maternel qu’elle lui porte. David Bobée fait sonner puissamment ce texte à commencer par son sous-titre : le festin de pierre. Dom Juan, dans un cimetière de statues en pierre déboulonnées, se pétrifie face aux fantômes de ses victimes.
La scénographie spectaculaire, le jeu des comédiens intelligible, la musique font de ce spectacle un puissant manifeste contre les abus de toutes sortes que ne doit plus permettre notre société.